Rédaction MEDFOCUS
Younes Belfellah
Chercheur & économiste
Le 01/08/2022
La Chine a considérablement accru son empreinte économique, politique et sécuritaire au Moyen-Orient, devenant un partenaire commercial et un investisseur extérieur majeur pour de nombreux pays de la région. Les relations de la Chine avec le Moyen-Orient tournent autour des questions énergétiques et de la nouvelle initiative de la route de la soie (BRI) lancée en 2013. En 2015, la Chine est officiellement devenue le plus grand importateur de pétrole brut au monde.
Les États du Golfe sont conscients que la croissance économique de la Chine pourrait à terme se traduire par une puissance militaire accrue dans la région du Moyen Orient, ce qui lui permettrait d’adopter des politiques plus affirmées dans la région pour atteindre ses objectifs stratégiques. Malgré ses efforts pour diversifier ses sources de pétrole au cours de la dernière décennie, la Chine reste dépendante du Moyen-Orient qui représente un grand marché de consommation.
Selon le ministère du commerce chinois, l’échange commercial entre la Chine et le monde arabe a enregistré 239.4 milliards de dollars en 2020, les importations des pays arabes de la Chine est de 122.9 milliards de dollars avec une progression annuelle de 2.1%. En ce qui concerne les investissements, la Chine investit 196.9 milliards de dollars dans le monde arabe. Il s’agit de 39.9 milliards de dollars en Arabie Saoudite, 34.7 milliards de dollars aux Emirats Arabes Unis, 23.85 milliards de dollars en Algérie, 23.7 milliards de dollars en Irak 23 milliards de dollars en Egypte et 51.75 milliards de dollars pour le reste des pays arabes.
Ainsi, Pékin continue de s’appuyer sur des lignes de communication maritimes telles que Bab el-Mandeb, la mer de Chine méridionale, le détroit d’Ormuz et le canal de Suez pour la plupart de ses importations commerciales et énergétiques. En outre, les projets associés à la reconstruction post-conflit dans d’autres pays de la région Moyen Orient – tels que l’Irak, la Libye, la Syrie et le Yémen – pourraient à terme coûter des centaines de milliards de dollars. Les entreprises chinoises ont la possibilité de remporter une grande partie de ces contrats.
La Chine comme étant premier importateur mondial de pétrole, elle apparaît aux pays du Golfe depuis plusieurs années comme un partenaire économique et politique de plus en plus indispensable. Mais au-delà du secteur énergétique, l’autre dimension de l’économie chinoise qui intéresse les pays du Golfe est son projet de Nouvelles routes de la soie, dont l’objectif est de tisser un gigantesque réseau global de routes commerciales dont la Chine serait le centre. Les entreprises étatiques chinoises de transport et logistique ont d’ailleurs déjà commencé à investir dans le développement des infrastructures portuaires de la région.
La Chine a cinq partenaires principaux au Moyen-Orient. Le premier est l’Arabie Saoudite. Le Royaume est le plus grand partenaire commercial de la Chine en Asie occidentale, et la Chine est le plus grand partenaire commercial de l’Arabie saoudite dans le monde. Les entreprises de construction chinoises jouent un rôle croissant dans le développement des infrastructures saoudiennes, Pendant ce temps, l’Arabie saoudite a été particulièrement désireuse de construire des raffineries et des installations de production pétrochimique en Chine spécialement conçues pour utiliser les qualités saoudiennes de pétrole brut. L’Arabie saoudite semble développer la Chine comme une protection contre une baisse de la consommation de pétrole occidentale.
Au cours des cinq dernières années, alors que la Chine s’est de plus en plus préoccupée du transit par le canal de Suez, la Chine a investi des milliards de dollars en Égypte. Des entreprises chinoises participent à la construction de la nouvelle capitale administrative de l’Égypte dans le désert à l’extérieur du Caire, et elles développent un port sur la mer Rouge et une zone industrielle à Ain Sukhna. Le président Sissi a effectué au moins six voyages à Pékin depuis son entrée en fonction en 2014, contre seulement deux voyages à Washington.
La Chine est le deuxième partenaire commercial et le principal importateur des Emirats Arabes Unis. Cependant, les Emirats offrent également des avantages considérables au projet chinois de Routes de la soie. En effet, Dubaï s’est imposé comme le principal centre économique de la région, et son port de Jebel Ali est le plus grand port à conteneurs de tout le Moyen-Orient.
En outre, les Emirats ont récemment établi une présence dans de nombreux ports de l’océan Indien et de la mer Rouge. Dubai Ports World, véritable bras commercial de la diplomatie émiratie, multiplie depuis plusieurs années les concessions et les accords économiques avec les ports de la Corne de l’Afrique.
De même, la Chine entretient des relations bilatérales étroites avec le Qatar. Les deux pays ont signé un accord de partenariat stratégique en 2014 et leurs échanges commerciaux ont considérablement augmenté au cours des dernières années. La Chine a également investi massivement dans l’infrastructure du port Hamad de Doha, et le Qatar aurait acquis un missile balistique à courte portée SY400 de fabrication chinoise.
Le volume des échanges commerciaux bilatéraux a, dans les faits, explosé en l’espace de deux décennies, passant de 50 millions d’euros en 1988 à 10 milliards en 2020. Le Qatar est un fournisseur majeur de GNL depuis 2017, représentant 35 % des importations mondiales de la Chine. La complémentarité est également en train d’émerger, avec la fusion des sociétés Qatar Oil et PetroChina et Synopec dans le cadre du projet d’expansion du champ gazier de Northfield au premier semestre 2021.
L’Iran occupe une place stratégique sur les Routes de la soie et dans la foulée de la signature de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, Pékin et Téhéran s’étaient mis d’accord sur un plan visant à multiplier par dix leur commerce bilatéral dans les dix années suivantes.
De plus, la Chine et l’Iran ont signé un partenariat stratégique qui prévoit des investissements chinois de 400 Milliards de dollars en 25 ans, en contrepartie, la livraison garantie de pétrole et de gaz iraniens : 280 milliards iront au secteur des hydrocarbures et 120 milliards à la construction d’infrastructures comme les ports, les aéroports, les métros et les chemins de fer. Pékin installera des zones de libre-échange à Makou, Abadan, l’île de Qeshm et développera un réseau 5G, le système de navigation et de positionnement Beidou. La Chine va fournir une coopération de défense par le biais des approches de cyber- sécurité, des logiciels d’espionnage et des expertises militaires.
Enfin, la Chine en quête de puisse s’impose donc comme un acteur nouveau et incontournable au Moyen-Orient, mais déterminé à y défendre ses intérêts face aux Etats-Unis. La Chine importe du Moyen-Orient plus de la moitié de ses ressources d’hydrocarbures et s’est imposée en quelques années comme son principal partenaire commercial.