Rédaction MEDFOCUS
Younes Belfellah
Chercheur & économiste
Le 31/05/2022
Dans une étude publiée en février 2020 intitulée « l’avenir du pétrole et la viabilité budgétaire », le Fonds monétaire international (FMI) a averti que les pays du Golfe, dépendants du pétrole, allaient devoir engager des réformes profondes sous peine de voir leurs richesses s’épuiser d’ici 15 ans. « Avec la situation budgétaire actuelle, la richesse de la région pourrait s’épuiser d’ici 2034 », affirme le FMI.
Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Oman, Qatar et Koweït), assure un cinquième de l’approvisionnement mondial en brut et les revenus pétroliers représentent 70 à 90% de ses recettes publiques. La plupart des États du CCG se sont lancés dans des programmes de réformes économiques qui comprennent la réduction des subventions, l’augmentation des prix des carburants et même l’imposition d’une taxe sur la valeur ajoutée. Pendant près de deux décennies, jusqu’en 2014, les six monarchies ont accumulé quelque 2500 milliards de dollars d’actifs financiers investis principalement à l’étranger par le biais de fonds souverains.
Pour le FMI, les réformes « doivent s’accélérer » et recommande une restructuration de la fonction publique à travers la réduction des dépenses publiques et de la masse salariale et des nouveaux systèmes de gouvernance.
De 2014 à 2018, la richesse financière de la région est passée de 2300 milliards de dollars à 2000 milliards de dollars, selon les estimations de l’institution et la tendance est toujours à la baisse. La dette publique du CCG est passée d’environ 100 milliards de dollars en 2014 à près de 400 milliards de dollars en 2018.
Le rapport du FMI insiste sur la nécessité de la diversification économique dans la région du Golfe. La mondialisation des marchés, la compétitivité économique, l’économie du savoir et la prolifération des nouvelles technologies d’information et de communication sont autant de facteurs qui propulsent les changements économiques dans cette région. L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis ou même le Koweit ont déjà mis en place des plans d’action pour diversifier leurs économies et faire face aux enjeux de l’après-pétrole.
Dans ce sens, l’Arabie Saoudite a lancé la vision 2030 qui encourage à la privatisation de plusieurs établissements publics et le recrutement privilégié de Saoudiens dans le secteur privé. Ce dernier devrait alors augmenter sa contribution au PIB à 65 % à l’horizon 2030. De même, le royaume a créé un fonds souverain d’investissement de 2000 Milliards de dollars pour pallier la réduction de la rente pétrolière. Pour cela, Riyad a vendu 5 % des parts d’Aramco, la grande compagnie pétrolière en enregistrant la plus grande introduction en bourse dans le monde. L’Arabie saoudite vise également la promotion du secteur tertiaire à travers le tourisme et le divertissement, le royaume veut accueillir 30 millions de touristes en 2030. Le pays a des projets grandioses comme celui de la cité futuriste NEOM au bord de la mer Rouge, un projet transversal mêlant tourisme, agriculture, industries numériques et nouvelles technologiques pour un coût de 500 milliards de dollars.
Les Emirats arabes unis (EAU) ont connu pendant les deux dernières décennies un développement fulgurant et présentent une attractivité pour les investissements et les compétences étrangères. Les EAU ont fait leur entrée parmi les 30 premières économies mondiales avec un PIB avoisinant les 400 milliards de dollars.
Le pays qui a accueilli l’Exposition Universelle à Dubaï. Durant cet évènement, Dubaï a reçu 180 pays. Cette ville devient un centre mondial de commerce et des services. De même, la capitale Abu Dhabi trace une trajectoire de croissance grâce au fond Abu Dhabi Investment Authority (830 milliards de dollars avec des investissements partout dans le monde), tout en renforçant sa stratégie d’attractivité par le musée du Louvre Abou Dhabi qui est le premier musée universel dans le monde arabe, et le plus grand projet culturel porté par la France à l’étranger. Créée en 2006, l’Université Paris Sorbonne-Abou Dhabi est également un grand symbole de la culture et du savoir français dans les pays de Golfe. De plus, le pays est doté par des grandes entreprises qui contribuent fortement à la diversification économique. Il s’agit par exemple de DP World, le troisième exploitant portuaire mondial qui gère 74 ports dans le monde avec une forte présence en Afrique, Etihad Airways et Emirates, deux des plus importantes compagnies aériennes dans le monde. On trouve également d’autres groupes ayant la même trajectoire de croissance comme Emaar et Damac dans l’immobilier, First Abu Dhabi Bank et Emirates NBD dans le secteur bancaire et Etisalat dans les télécommunications.
Dans la même lignée, Le Koweït a annoncé une nouvelle politique économique baptisée ” Vision 2035 “. Il s’agit des investissements de 100 milliards de dollars dans des secteurs importants comme la finance, les nouvelles technologies, l’immobilier, le transport, les industries et les infrastructures. Cette diversification est très importante pour le Koweït dont le pétrole représente 90% des recettes. D’ailleurs, le Koweït dispose de 6% des réserves pétrolières mondiales avec un stock financier de 600 milliards de dollars. Plusieurs projets de développement ont été déclaré comme les contrats d’investissement signés avec la Chine de 450 milliards de dollars à travers la construction d’hôtels, de bâtiments, d’hôpitaux, d’universités et de centres commerciaux dans les îles de Failaka et Bubiyan. Le pays cherche à développer sans infrastructure et son climat d’affaire par des projets comme le TGV de 18.6 milliards de dollars, la station de production d’électricité de 8 milliards de dollars et les contrats d’achat de 45 avions avec une valeur de 3.75 milliards de dollars signés entre la compagnie aérienne du Koweït Wataniya Airways et la compagnie française Airbus.
En somme, les monarchies du Golfe pouvaient offrir au monde l’exemple d’une transition réussie vers l’après-pétrole. Dans un Moyen-Orient sous perpétuelle tension, le Golfe représentait encore un pôle de stabilité et de prospérité. Devant la menace expansionniste de l’Iran révolutionnaire, le CCG devrait consolider son intégration sécuritaire et harmoniser sa gouvernance économique par la mise en application des règles de la reddition du compte, le contrôle financier et la transparence d’information.