Rédaction MEDFOCUS
Younes Belfellah
Chercheur & économiste
Le 04/07/2022
La puissance iranienne au Moyen-Orient repose sur la guerre par procuration à travers des proxys, sous forme d’un réseau des milices chiites coordonné par la force al-Qods et supervisé par les Gardiens de la Révolution. La République islamique a poursuivi une politique d’influence au Moyen-Orient basée sur un vaste réseau milicien menant des activités militaires, politiques et sociales qui contribuent à l’expansionnisme iranien. Il s’agit du Hezbollah au Liban, Hamas et Djihad Islamique à Gaza, Ansar Allah les Houthis au Yémen, Liwa al Baqir et les Forces de défense nationales en Syrie, Saraya al-Ashtar au Bahreïn, Liwa Fatemiyoun en Afghanistan et Liwa Zainebiyoun. En Irak, on trouve l’Organisation Badr, Hezbollah al-Nujaba, Kata’ib Hezbollah et Asa’ib Ahl al-Haq.
Par ailleurs, les capacités militaires de ce réseau se sont grandement développées au point d’en faire de redoutables adversaires hybrides, maniant aussi bien l’attentat à la bombe et la guérilla que les drones et la frappe balistique.
Dans ce contexte, Théran ne tisse pas seulement des liens avec des groupes armés chiites mais également avec des organisations sunnites transfrontaliers comme Al Qaeda. New York Times a révélé que le numéro 2 d’Al Qaeda Abu Muhammad al-Masri a été tué en Iran ou il vivait depuis des années avec sa fille mariée à Hamza bin Laden le fils du fondateur d’Al Qaeda Osama bin Laden. Le rapport final de la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis est le rapport officiel sur les attentats du 11 septembre 2001 montre clairement la relation étroite entre l’Iran et Al Qaeda à travers des réunions dans les années 90 entre les dirigeants de l’organisation terroriste et les responsables militaires de l’Iran et du Hezbollah. Des rencontres de coordination, coopération et échange de savoir entre deux parties qui partagent la même vision anti-occidentale. De même, Cette relation forte et étrange selon une enquête de CNN a dévoilé le rôle iranien dans le soutien et la formation des terroristes, notamment Abou Moussab al-Zarqaoui qui a dirigé Al Qaeda en Irak.
Dans un autre registre, l’économie iranienne en pleine crise épuisée par les sanctions américaines, ce qui engendre des records en termes d’inflation, pauvreté et chômage. La devise a été dévaluée à plusieurs reprises, l’inflation a dépassé officiellement 46 % en rythme annuel l’année dernière, les exportations iraniennes principalement basées sur le pétrole représentent seulement 700000 Barils par jour contre 4.2 millions Barils par jour en 2017 quand l’accord nucléaire de Vienne avait permis à l’Iran de sortir de décennies d’isolement et de sanctions.
The Economist affirmait que le pays connaît une baisse de croissance de 12% et cette tendance négative risque de continuer au moins encore pendant trois ans pour atteindre environ 20%. Les contestations de la jeunesse iranienne en 2019 montre clairement la crise de cette nouvelle génération qui aspire liberté et développement et souffre du manque de droits de l’Homme et la corruption économique.
Dans ce sens, les Gardiens de la Révolution est l’institution forte de la république islamique qui accapare le pouvoir politique, militaire et économique. Les revenus du pays sont dirigés essentiellement vers la dépense sécuritaire et la défense à travers le financement des proxys régionaux. Pour contrecarrer la situation économique et sociale très fragile, les Gardiens de la Révolution ont adopté une politique économique de « Résistance » fondée sur la monopolisation des marchés et des grandes entreprises, notamment le fonds souverain d’investissement National Development Fund of Iran et la compagnie pétrolière National Iranian Oil Company. Ils profitent aussi des marchés irakiens, syriens et libanais pour avoir des financements et commercialiser les produits iraniens. Le département du Trésor des États-Unis a publié un rapport sur l’exploitation iranienne de la Banque centrale d’Irak pour financer la Force al-Qods, grand timonier des groupes armés de la république islamique.
Certes, la récession économique et la crainte de nouvelles manifestations de masse incitent l’Iran à signer un accord avec l’administration Biden et d’avoir une ouverture vers l’occident. Par contre, l’Iran ne cesse pas d’annoncer l’enrichissement de son uranium et l’avancement dans la production de la bombe atomique. Des mesures qui constituent « un terrorisme nucléaire » et une escalade significative dans les violations de l’accord signé en 2015.
Dans la même lignée, l’Iran se dirige vers la Chine en signant un partenariat stratégique qui prévoit des investissements chinois de 400 Milliards de dollars en 25 ans, en contrepartie, la livraison garantie de pétrole et de gaz iraniens : 280 milliards iront au secteur des hydrocarbures et 120 milliards à la construction d’infrastructures comme les ports, les aéroports, les métros et les chemins de fer. Pékin installera des zones de libre-échange à Makou, Abadan, l’île de Qeshm et développera un réseau 5G, le système de navigation et de positionnement Beidou. La Chine va fournir une coopération de défense par le biais des approches de cyber- sécurité, des logiciels d’espionnage et des expertises militaires. Le partenariat stratégique de l’Iran avec la Chine s’ajoutera un autre à vocation militaire signé avec la Russie depuis 2001.
Enfin, les européens doivent prendre en considération ces éléments dans les négociations de l’accord nucléaire. D’autres enjeux sont liés à la succession du guide suprême Ali Khamenei âgé de 83 ans, celui qui a donné de la puissance aux Gardiens de la Révolution et la Force Al-Qods. De plus, les négociations doivent se dérouler sur le comportement expansionniste de l’Iran, ses milices qui créent le chaos, détruisent les intérêts occidentaux et participent fortement à des drames humains comme la crise des réfugiés.