Rédaction MEDFOCUS
Younes Belfellah
Chercheur & économiste
Le 30/06/2022
En 2021, l’Autorité Nationale Palestinienne a annoncé l’annulation des élections législatives et présidentielles. Les deux scrutins étaient très attendus par nombre de Palestiniens, qui n’ont plus voté depuis 2006. Les élections sont une occasion démocratique pour choisir un nouveau leadership palestinien, l’Autorité gérée par Mahmoud Abbas, 87 ans, au pouvoir depuis 2005 a annulé les élections. Abbas renvoie la faute sur Israël, qui refuse de se décider à laisser les élections se tenir dans la partie orientale de Jérusalem, occupée et annexée après la guerre de 1967. Le scrutin est reporté « jusqu’à ce que notre peuple puisse exercer ses droits démocratiques à Jérusalem ». Il s’agit d’un prétexte peu convaincant, surtout qu’Abbas savait qu’Israël n’autoriserait jamais le vote à Jérusalem. Comme il ne l’avait pas autorisé en 2006.
Des élections qui devraient s’organiser après l’arrivée de la nouvelle administration américaine, qui veut donner une nouvelle chance à des négociations entre les palestiniens et les israéliens. The Washignton Institute for Near East Policy a mentionné que le nouveau président américain Joe Biden poursuit la politique de la « porte ouverte » avec l’autorité palestinienne par la réouverture des bureaux de l’Autorité Nationale Palestinienne et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) aux Etats-Unis, l’offre des aides américaines aux palestiniens et le financement de l’ UNRWA (L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient).
Dans ce sens, le Quartet pour le Moyen-Orient plaide pour des «négociations significatives» entre Israël et Palestine. Les émissaires du Quartet (Russie, États-Unis, Union européenne, ONU) ont appelé à reprendre les discussions pour faire avancer le processus de paix. Ce groupe crée en 2002 est guidé par trois principes fondamentaux : la non-violence, la reconnaissance d’Israël et le respect des accords précédemment conclus, notamment les accords d’Oslo qui ont donné la légitimité internationale à l’Autorité Nationale Palestinienne.
Ces principes du Quartet ne sont pas acceptés par le mouvement islamique du Hamas principal concurrent du Fatah qui a la mainmise sur la bande du Gaza depuis les élections de 2006. Ces élections ont amené à une transformation importante de la question palestinienne : son islamisation. Le Hamas, considéré comme une organisation terroriste par plusieurs pays, c’est servis de ces élections pour renverser l’autorité palestinienne à Gaza et pour prendre le contrôle de la bande côtière par la force. La divergence de fond entre le Hamas et le Fatah a conduit à une véritable rupture et malgré de multiples tentatives de réconciliation avortées, les palestiniens sont divisés politiquement et géographiquement.
A ce point, le Hamas est financé par le Qatar à travers des programmes d’enseignement, santé, des aides sociales et des investissements en infrastructure. De plus, deux Etats non arabes apportent un soutien politique, financier et militaire au Hamas. D’abord, la République islamique de l’Iran qui adopte un antisionisme de principe. L’ayatollah Khomeyni avait appelé à maintes reprises au Jihad pour Jérusalem et à la disparition d’Israël, « tumeur cancéreuse » plantée au sein des pays islamiques. Téhéran utilise le Hamas également comme un proxy dans sa stratégie d’expansionnisme au Moyen-Orient. Le second Etat est la Turquie d’Erdogan, le parrain des mouvements des Frères Musulmans dans le monde ne cesse pas d’apporter son soutien au Hamas à travers d’islamistes palestiniens en Turquie, les visites de dignitaires du Hamas à Ankara et les aides financières des ONG islamistes.
Dans une publication de Ely Karmon et Michael Barak intitlée : Erdogan’s Turkey and the Palestinian Issu, les deux chercheurs montrent les liens étroits entre Ankara et le Hamas par le biais des financements de Millî Görüş, ce réseau islamique truque très actif en Europe et qui gère 300 associations, mosquées et centres islamiques en France seulement. De même, la Turquie offre une formation militaire au Hamas par SADAT International Defense Consultancy, une société paramilitaire crée en 2012 et géré par un ancien militaire de l’armée turque Adnan Tanri Verdi, proche d’Erdogan. Cette société connue par son transfert et formation des mercenaires étrangers en Libye, elle a amené des combattants pour fortifier le clan islamique à Tripoli contre l’armée nationale libyenne soutenu par la France.
La relation entre Ankara et le Hamas ne se limitent pas à cela, The Times a révélé que le Hamas utilise une base secrète de cyber-attaque en Turquie pour cibler ses ennemis. Il s’agit d’un quartier général secret à Istanbul pour mener des opérations de contre-espionnage. En plus, Erdogan a offert la nationalité turque à 12 responsables du Hamas selon une enquête de Telegraph. Le Chef du Bureau politique de Hamas Ismaël Haniyeh possède des propriétés immobilières et des comptes bancaires en Turquie par le biais de l’argent généré des investissements à Gaza. La même enquête évoque que Khaled Mechaal, dirigeant du Hamas, hébergé au Qatar est chargé d’apporter le financement à l’organisation islamique.
Plusieurs ONG internationales ont épinglé le comportement agressif du Hamas en vers ses opposants dans la bande du Gaza. Human Rights Watch a publié un rapport sur la répression brutale et les arrestations des défenseurs des droits de l’Homme et des journalistes, ce qui reflète une pratique systématique du Hamas. Selon Amnesty International, La répression de la liberté d’expression et le recours à la torture à Gaza ont atteint un degré inquiétant. Les activistes contre l’islamisation de la bande du Gaza sont les premiers victimes de menaces, d’intimidation ou de mauvais traitements.
Dans un contexte favorable à la paix, marqué par les accords d’Abraham entre Israël, le Maroc, les Emirats arabes Unis, le Soudan, le Bahreïn qui s’ajoutent aux accords signés précédemment avec l’Egypte et la Jordanie, l’arrivée d’un mouvement islamiste radical au pouvoir constituerait un scenario catastrophe qui engendrait des répercussions dans la relation entre les palestiniens et les occidentaux. Cette situation alimentera le terrorisme, la violence et la déstabilisation régionale et entravera la possibilité d’un vrai accord entre les israéliens et les palestiniens.