L’organisation des grands évènements économiques est une façon de marketing politique pour le Royaume.
Younes Belfellah
Chercheur & économiste
Le 24/11/2020
L’Arabie Saoudite a présidé le sommet G20 cette année, le groupe des grandes puissances économiques mondiales représente 90% du PIB mondial et 80% du commerce international. C’est une occasion annuelle pour échanger à propos des problématiques économiques, cette année le sommet a décidé de soutenir l’économie mondiale par 11 billions de dollars et alléger la dette de 73 pays en difficulté financière.
De même, les discussions cette année sont marquée par les effets du coronavirus sur l’économie mondiale et fournir 14 milliards de dollars pour faciliter l’accès au vaccin. Les dirigeants du G20 ont fait un engagement dans leur communiqué final : « Nous avons mobilisé des ressources pour répondre aux besoins de financement immédiats dans le domaine de la santé mondiale afin de soutenir la recherche, le développement, la fabrication et la distribution de diagnostics, de traitements et de vaccins sûrs et efficaces contre le Covid-19 ».
Le sommet du G20 cette année été organisé sous format virtuel à cause du coronavirus, comme d’autres évènements internationaux qui était obligé de changer la logistique de l’organisation, ou même la date comme le G7 prévue en juin dernier a été reporté jusqu’à un nouvel ordre.
Dans ce contexte, c’est pour la première fois que l’Arabie Saoudite préside le G20. Le royaume saoudien est le seul pays arabe membre de cette organisation. Il cherche à redorer son blason sur la scène internationale et tourner la page des dernières crises comme la guerre au Yémen, l’affaire du journaliste Jamal Khashoggi, et les effets du Coronavirus sur les prix du pétrole.
A ce point, L’Arabie Saoudite voulait saisir cette occasion pour communiquer ses transformations économiques, notamment la vision 2030 qui aspire une diversification économique du pays très dépendant des revenues de pétrole.
Dans ce sens, Riyad a lancé des projets pour devenir un hub technologique à travers la ville intelligente NEOM, évaluée à 500 milliards de dollars et présentée comme l’équivalent régional de la Silicon Valley. NEOM vise consolider différents secteurs : les énergies renouvelables, l’eau, l’agroalimentaire, la culture et le divertissement à la haute technologie. Il s’agit d’une stratégie nationale d’intelligence artificielle afin de combler le déficit de compétences, stimuler le marché par la recherche et l’innovation et à utiliser amplement les applications de l’intelligence artificielle dans les agences gouvernementales et privées. Riyad va investir 20 milliards de dollars dans l’intelligence artificielle d’ici 2030, ont annoncé les autorités saoudiennes.
Cette politique saoudienne contribue à l’attractivité des investissements directs étrangers au rayonnement de l’entrepreneuriat pour atteindre l’objectif d’augmenter la participation du secteur privé au PIB de 30 % à 60 % en 2030.
Pour cela, le pays a lancé une série des réformes fiscales en ce qui concerne les prix de l’énergie, rationalisation des dépenses et l’introduction de la TVA et des réformes sociales pour assouplir les restrictions à la mobilité des travailleurs étrangers et pour protéger les droits de la main-d’œuvre et l’accès des femmes au marché de travail qui a passé de 17% en 2016 à 31% en 2020. De plus, Riyad a dévoilé de nouveaux programmes, en mobilisant 427 milliards de dollars d’investissements dans les secteurs de l’industrie, ,des services et la modernisation des infrastructures par l’inauguration de cinq aéroports pour devenir 29 avec une capacité de 90 millions passagers par an et l’aménagement de 10 ports maritimes, surtout que 13% du commerce mondial passe par la mer rouge.
Plusieurs grandes entreprises notamment françaises, à l’égard de Total, Veolia, AccorHotels, EDF et RATP, ont commencé déjà une quête d’investissements dans le royaume. À ce point, EDF a remporté n appel d’offres pour construire son plus grand parc éolien en Arabie saoudite. Total s’est associée au Saoudien Aramco pour reprendre le deuxième réseau du pays des stations-service avec un budget d’un un milliard de dollars sur six ans.
En fait, l’Arabie saoudite offre de nombreuses opportunités de développement sur un marché émergent pour la technologie française et sa politique du « Start-up Nation ». Quatrième pays au monde le plus innovant, la France domine les demandes de brevets dans les secteurs de l’innovation et des nouvelles technologies, en particulier dans les objets connectés (IoT), l’intelligence artificielle, la robotique, la e-santé, la mobilité et les véhicules autonomes. Les start-ups françaises pourraient être impliquées sur de nombreux projets dans la ville de NEOM, qui veut devenir un vivier de nouvelles technologies (taxis volants, livraisons par drones, parcs éoliens, agriculture verticale, robots …). De même, l’expertise de la France en matière de « smart city » et d’énergies renouvelables sera sollicitée pour la construction de la ville de Qiddiya, grande comme trois fois Paris, entièrement intelligente et dédiée aux loisirs (cinémas, parc d’attractions, safaris, courses automobiles…).
Finalement, l’Arabie Saoudite voulait par ce sommet du G20 soigner son image politique et chercher des opportunités économiques dans le cadre d’une politique événementiel qui va continuer avec l’organisation du « Future Initiative Investment » fin janvier 2021, un forum économique annuel appelé le Davos du désert qui accueille des dirigeants politiques, hommes d’affaires et acteurs économiques.
Par Younes BELFELLAH, Chercheur et consultant en économie politique et relations internationales.
Publié le 24 Novembre 2020, https://blogs.mediapart.fr/younesbelfellah/blog/241120/sommet-du-g20-en-arabie-saoudite-une-nouvelle-approche-de-la-diplomatie-economique